Le FN et deux de ses dirigeants renvoyés en correctionnelle

Marine Le Pen et Le Front National actualités

Ils sont soupçonnés d’enrichissement frauduleux aux frais de l’Etat.

06/10/2016 12:50 CEST | Actualisé 06/10/2016 12:52 CEST

FRONT NATIONAL – Les juges d’instruction ont décidé de renvoyer devant le tribunal correctionnel le Front national et deux de ses dirigeants, Wallerand de Saint-Just et Jean-François Jalkh, dans l’enquête sur des soupçons d’enrichissement frauduleux aux frais de l’Etat lors des campagnes législatives et présidentielle de 2012, a appris jeudi l’AFP de sources concordantes.

Les magistrats ont ordonné le renvoi du parti pour complicité d’escroquerie lors des législatives et recel d’abus de biens sociaux, a précisé une source proche du dossier. Son trésorier Wallerand de Saint-Just est visé pour le délit de recel d’abus de biens sociaux et l’un de ses vice-présidents Jean-François Jalkh pour escroqueries, abus de confiance et recel d’abus de biens sociaux, a indiqué la même source.

Marine Le Pen avait été entendue dans ce dossier sous le statut de témoin assisté, sans être mise en examen.

L’affaire des kits de campagne

Les soupçons portent sur l’existence d’un système pour capter de l’argent public, en profitant des remboursements de l’Etat sur les frais de campagne. “Le FN n’a pas détourné un centime d’euro”, a rétorqué son trésorier à l’AFP.

Au centre de l’enquête, les fameux kits de campagne (tracts, affiches, cartes postales), au tarif de 16.650 euros, fournis à quelque 525 candidats aux législatives de 2012 par Riwal, une société dirigée par un très proche de Marine Le Pen, Frédéric Chatillon. Pour les acheter, les candidats devaient en outre contracter un prêt avec intérêts auprès de Jeanne, microparti de la patronne du FN.

Les juges pensent que derrière ce montage complexe se cachent des prestations gonflées et surfacturées au détriment de l’Etat, qui rembourse les frais de campagne aux candidats dépassant 5% des voix. Le système aurait été imposé aux candidats sans tenir compte de leurs besoins sur le terrain ni de la réalité de leur campagne, “dans l’unique but de majorer des dépenses électorales remboursables”, avait dit à l’AFP une source proche de l’enquête.

Lors de l’enquête, des candidats ont confirmé n’avoir pas eu le choix, d’autres que le matériel n’était pas arrivé ou alors trop tard, et avoir dû le jeter. Les enquêteurs “ont trouvé 13 candidats sur 577 qui avaient des critiques à faire”, a ironisé Wallerand de Saint-Just.

Intérêts et emplois fictifs

Autre sujet d’investigation, les intérêts des prêts facturés par Jeanne aux candidats, à 6,5%, soit environ 1.000 euros par kit, et eux aussi remboursés partiellement par l’Etat. Mais pour le parquet, qui évalue le préjudice sur ces intérêts remboursés à un peu moins de 360.000 euros, ces prêts sont fictifs, Jeanne n’ayant jamais disposé des sommes qui ont en fait été avancées par Riwal via un crédit sans intérêts de plus de huit millions d’euros en 2012. Ce crédit est considéré par les juges comme un abus de bien social.

Au-delà, l’enquête vise la mise à disposition gratuite par Riwal de locaux ou d’employés pour le parti, l’achat de matériel ou encore la prise en charge d’une facture de plus de 400.000 euros pour le FN, précisent des sources proches du dossier.

Le parquet reproche par exemple à Riwal d’avoir salarié fictivement les élus David Rachline et Nicolas Bay en mai-juin 2012.

La présidentielle de 2012 est aussi concernée. Riwal est soupçonné d’avoir facturé à environ 2,5 millions d’euros le matériel de propagande officielle alors qu’il lui en aurait coûté entre 600.000 et 700.000 euros, selon une source proche de l’enquête.