« Le programme économique du FN appauvrira en premier lieu les électeurs de celui-ci »

Marine Le Pen et Le Front National actualités

Chaque mesure du programme de Marine Le Pen, examinée une par une, serait en réalité néfaste pour ceux qui sont le plus tentés par le vote frontiste, explique l’économiste Olivier Pastré.

LE MONDE ECONOMIE | • Mis à jour le | Par Olivier Pastré (Professeur d’économie à l’université Paris-VIII)

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Par Olivier Pastré, professeur d’économie à l’université Paris-VIII

La montée en puissance du Front national (FN) semble depuis quelques mois irrésistible et a de quoi inquiéter tous ceux qui croient en la démocratie. Face à cette menace, deux attitudes sont possibles.

La première consiste, dans les discussions de salon ou de cafétéria, à condamner de manière globale et indifférenciée le FN en se plaçant au niveau de la morale. Mais cette attitude est inefficace, voire contre-productive, car elle renforce, chez les indécis, le sentiment d’un ostracisme dont serait victime le parti de Marine Le Pen.

Une autre attitude paraît infiniment plus appropriée, même si elle est plus exigeante. Elle vise à engager le débat sur le terrain, non pas de la morale et du politique, mais de l’économie, afin de contrer pied à pied les arguments et les slogans du FN. Cette attitude est plus exigeante car elle nécessite plus de pédagogie et, surtout, plus de précision. L’idée de base de cette contre-offensive intellectuelle est simple, comme doit l’être toute ligne directrice pédagogique : démontrer que le programme économique du FN va nécessairement pénaliser en premier lieu ceux qui votent ou qui ont l’intention de voter pour ce parti.

Programme schizophrène

Pour atteindre ce but, il ne sert à rien de mettre en avant les innombrables incohérences du programme économique frontiste. Car ce programme est schizophrène : il promet à la fois la défense des PME, des artisans et des commerçants et la revalorisation massive du smic ; il prévoit en même temps des baisses d’impôt et une augmentation brutale des dépenses publiques. Mais cet angle d’attaque n’est pas le bon, car il reste trop général.

Pour être efficace pédagogiquement, il faut se centrer sur les trois principaux thèmes économiques frontistes – la sortie de l’euro, le protectionnisme et l’immigration –, afin de démontrer la contradiction entre les prescriptions du parti d’extrême droite et les intérêts de ses électeurs, issus en majorité des classes populaires et de la petite bourgeoisie.

Concernant la sortie de l’euro, on peut défendre ce projet à condition d’en accepter ses conséquences. Cela implique de se poser, et de poser au FN, toute une série de questions. Le « nouveau franc » plongeant immédiatement de 20% à 30 % face aux autres monnaies dans le meilleur des cas, qui cela avantagera-t-il ? Réponse : cela fera le bonheur de quelques patrons…